Territoire français du bout du monde, La Réunion a un charme unique: impossible de lui coller des stéréotypes. Surprises diverses garanties
C’est là-bas, très loin, dans l’océan Indien, à 830 kilomètres à l’est de Madagascar. Quand on arrive, après un voyage éprouvant, on laisse derrière soi la tache bleue de l’océan et on part vers les montagnes. Elles sont le cœur de l’île, son centre et sa beauté. La côte, parfois surprenante avec ses rochers noirs auréolés d’embruns, au sud en particulier, n’est là que pour leur faire écrin.
L’île, volcanique, a surgi il y a trois millions d’années des profondeurs de l’océan. Ses montagnes n’ont pas la majesté des sommets alpins (le Piton des Neiges culmine à 3069 mètres). Mais elles ruissellent de cascades (sauf en temps de sécheresse!) et de végétation.
Fougères arborescentes, droit sorties de la préhistoire, tamarins, bambous, ibiscus, amaryllis, chocas (sortes d’agaves verts ou bleus), vétivers et autres merveilles comme les flamboyants: à chacun son étage, les uns, comme on dit, «dans les bas» (de la montagne), les autres «dans les hauts». Sans parler de la canne à sucre, l’une des ressources de l’île. Tout cela recouvrant des montagnes en cônes, en pain de sucre, en nez de Pluto. Nulle part ailleurs, on n’a vu de formes aussi biscornues.
C’est en tout cas ce que l’on se dit en arrivant à Hell-Bourg, maisons de bois, beaucoup d’hommes jeunes discutant au bord des trottoirs (le taux de chômage à La Réunion est très élevé). Là, il faut voir la villa Folio, ses murs ajourés (pour la ventilation), sa varangue (véranda), son jardin qui embaume de mille parfums, dont celui d’immenses verveines. Et s’asseoir dans les magnifiques fauteuils en tek pour écouter le propriétaire des lieux, un vrai conteur, parler du passé.
Ensuite partir pour Salazie, puis Mafate. Dans ces cirques, anciens volcans aujourd’hui éteints, disons que le confort est… spartiate mais les clairs de lune magiques. On ne les atteints qu’à pied, et les quelques dizaines de familles qui y vivent sont ravitaillées par hélicop-tère (à Mafate, le pilote est également patron et serveur de son bistrot). Le facteur fait sa tournée une fois par semaine, le mardi. A pied, lui aussi.
Etre accompagné de guides rend l’aventure plus étonnante. Il y a Christophe qui, pour être un «z’oreil» (le mot, un peu péjoratif, désigne un métropolitain) n’en est pas moins compétent, enthousiaste et généreux. Amoureux de ce petit bout de terre qui affronte régulièrement les cyclones, il est intarissable sur les volcans, les fleurs, les oiseaux et les habitants de cette île qui est devenue la sienne.
Patrick, lui, il est né là. C’est un Cafre (prononcez caf), c’est-à-dire un Noir, qui connaît le mode de vie traditionnel pour l’avoir vécu et qui chante Mon île comme personne. «C’est un ange», disent certains. Peut-être, mais alors, bien bâti!
A eux deux, ils vous raconteront l’histoire de cette terre façonnée par l’esclavage. Mais tout cela, c’était au temps de Paul et Virginie. Maintenant, elle est ce qu’elle est: une «réunion» d’hommes et de femmes à la peau plus ou moins claire, qu’il faut renoncer à classer en catégories.
Sans doute serait-ce enjoliver les choses que de dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes métissés sur ce territoire français depuis 1638. Mais la Fête de la liberté, qui célèbre en décembre la fin de l’esclavage (aboli en 1848), «c’est la fête de tout le monde», assure Guibert,un autre guide. Guibert, il lui arrive d’abuser un peu du rhum arrangé, une succulente boisson obtenue à partir de rhum où macèrent diverses plantes, vanille ou orchidées par exemple, au gré de l’inspiration. Mais il sait comme personne faire une «cuite» (distillation) de géraniums.
La fabrication d’essences et de parfums est une activité qui rapporta gros, avant que d’autres îles produisent pour moins cher.
Côté faune, mis à part le dodo – un drôle d’oiseau que personne, ni à La Réunion ni à Maurice, n’a jamais vu puisqu’il a disparu voilà fort longtemps- il existe peu d’animaux extraordinaires. L’extraordinaire, outre la flore, c’est dans la géologie qu’il faut le chercher. Monter au Piton de la Fournaise (on l’approche en traversant la plaine des Sables, introduction à un monde presque exclusivement minéral), c’est fouler quelques heures durant la lave cordée ou le graton, une matière crissante qui porte bien son nom…
On croit cette matière noire. Mais, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que s’y déclinent tous les bleus, pailletés d’or. Là, les plantes pionnières reconquièrent le terrain après les coulées. Qu’on s’intéresse ou non à la vulcanologie, c’est un lieu où il est impossible de ne pas réaliser, ne serait-ce qu’une seconde, l’inimaginable puissance qui gronde dans les entrailles de la terre. Une expérience qu’on n’est pas près d’oublier.
Ensuite, vite, Maurice: l’île sœur plus ou moins ennemie. A une demi-heure de vol, c’est un autre monde. Plus exotique pour ce qui est de la population en tout cas: 50% d’Indiens, 31% de chrétiens, 16% de musulmans et 3% de Chinois. Mais c’est une autre histoire.