Terre volée au Sahel ou aux entrailles de la Terre, le Cap-Vert se conjugue en dix îles aux noms musicaux, comme Santo Antão ou Boa Vista. Elles méritent toutes le voyage

Sal, tout d’abord, l’île-aéroport du Cap-Vert, est comme un désert posé sur la mer. Elle s’est affirmée depuis quelques années comme le meilleur «spot» au monde pour la pratique des sports de glisse. Dès votre descente d’avion, vous êtes accueilli par un vent surprenant, dérangeant, qui vous harcèlera durant tout votre séjour. Ce vent, qui souffle à Sal toute l’année, sert également à la désalinisation de l’eau de mer, l’eau douce faisant de plus en plus cruellement défaut sur l’île.

Cap Vert

 

Il vaut la peine de consacrer une demi-journée, voire une journée, à l’exploration de l’Ilha do Sal. Si vous êtes amoureux des paysages lunaires, vous serez certainement ému par la beauté nostalgique et délabrée de la saline de Pedra de Luma, nichée dans le cratère d’un volcan. Faites en sorte de vous trouver, au coucher du soleil, sur la plage de Santa Maria. La luminosité y est exceptionnelle, les couleurs éclatantes, l’air transparent, le contraste entre le bleu de l’eau, le sable blond et l’azur du ciel inoubliable. Laissez-vous surprendre par l’animation de son port de pêche et prenez le temps de déguster un punch de San Antão, boisson nationale, à l’Aquarius… histoire de reprendre son souffle et de s’abandonner à la douceur de ce semblant de «dolce vita» avant de goûter aux charmes des autres îles! Là, à l’abri du vent et du sable, sur fond de musique cap-verdienne, abandonnez-vous au sentiment de bien-être qui s’empare de vous…

São Vicente

 

Sao Vicente

Seconde étape, São Vicente. L’île est tellement aride qu’elle resta inhabitée jusqu’à la moitié du XIXe siècle. Elle s’est développée à partir de 1858 grâce à son «porto grande» qui offre le meilleur mouillage de tout l’archipel.

C’est ici que le brassage des races est le plus étonnant: mélange d’Afrique, du Brésil, d’Europe. C’est à Mindelo, principale ville et capitale culturelle du Cap-Vert, que l’on peut voir des filles à la peau mate et aux yeux clairs, ou bien des cheveux ondulés et frisés sur des peaux juste bronzées.

Mindelo, comme ses habitants, a beaucoup de charme. Elle s’inscrit dans un cirque de montagnes sanguines, en bordure d’une baie, et offre la vision d’un port méditerranéen, avec ses maisons en étages sur les collines, ses terrasses où flotte le linge, ses rues larges, pavées, bordées d’échoppes aux tons pastels.

L’eau y est rare, mais les habitants s’en priveraient pour arroser le gazon et les fleurs de la place Cabral, centre de la ville où tout le monde se retrouve, particulièrement en fin de semaine, lorsqu’un orchestre joue sous la rotonde du square.

Il faut aller flâner vers le port, la Tour de Bélem et le marché aux poissons, ne pas manquer le spectacle des joueurs d’échecs absorbés, des marchandes de légumes, de bonbons et de tabac assises ou affalées à même la rue. En quittant Mindelo, on emportera le souvenir d’une ville lumineuse, gaie et aimable.

Si vous décidez de traverser en ferry de São Vicente à Santo Antão, arrangez-vous pour être assez tôt sur le port et assister au chargement du bac. Dans le sens São Vicente-Santo Antão, en plus des ballots, des cartons, des poules, des montants de lits, des bicyclettes, d’un réfrigérateur et des bagages des voyageurs, vont être chargés des produits manufacturés en provenance de l’étranger. Dans le sens inverse, le ferry rapportera les produits maraîchers et les fruits qui nourrissent Mindelo, capitale culturelle des îles au vent, riche en vies, mais pauvre en jardins.

D’un extrême à l’autre

Autre île au vent, mais surtout île des meilleurs crus d’alcool de canne, Santo Antão est la plus riche de l’archipel, grâce à l’agriculture. C’est ici que vous verrez, comme autrefois, des vieilles femmes fumer la pipe et des bœufs tournant en rond pour activer la machine servant au broyage de la canne à sucre.

Ici, tout est extrême, les paysages offrent les contrastes les plus saisissants. Sur la partie aride de l’île, où partout l’on rencontre des chèvres à la recherche d’une herbe hypothétique, une route pavée escalade la montagne pour se rendre à Ponta do Sol. C’est un véritable ouvrage d’art, de même que les murs en pierre sèche qui retiennent la terre et rythment les pentes. Soudain, la végétation change, le désert de terre se transforme en un paysage avenant riche et prospère. On croise des cyprès avant de traverser des forêts de pins. L’air est vivifiant, comme à la montagne. Et l’on replonge dans la vallée où, cette fois, on se croirait sous les tropiques.

Santiago: la plus grande

 

Santiago

Depuis le hublot de l’avion, Santiago montre d’abord des pattes de sphinx à peau rouge qui oppose à la mer rageuse un dédaigneux immobilisme. Les plateaux ocre sont nus, scarifiés par des essais de travaux de reforestation.

C’est la plus grande île de l’archipel. Elle abrite la capitale administrative, Praia, petite ville active, dont le centre historique se singularise par une majuscule: le Plateau. Sur ce balcon s’additionnent les monuments du pouvoir et le patrimoine architectural de la colonie. Au pied de cette éminence, dans le lit des rivières mortes, poussent de manière anarchique des maisons. C’est dans ce canyon que se tient le mercado de Sucupira, sorte de grand bazar, escale dans un monde qui fleure bon l’Afrique. C’est une ville dans la ville, l’univers des Cap-Verdiennes, accompagnées ou non de leur bébé qu’elles retiennent aisément dans un pagne autour de leurs reins. Ces mêmes Cap-Verdiennes qui prennent aussi en charge les besoins de leur famille en eau, transportant des bidons en matière plastique sur la tête, à l’instar de leurs voisines sahéliennes.

Le volcan de Fogo

 

Fogo

Un cône parfait, gigantesque, émerge de la mer: le volcan définit l’île de Fogo. Les nuances de noir renseignent sur l’ancienneté des déversements. Sans désemparer, la vie s’est reconstituée à chaque fois. Les maisons s’inscrivent dans le paysage fracassé. Au pied du volcan, la vigne pousse, magnifique. Les pommiers, poiriers, grenadiers, cognassiers fleurissent. Une route à flanc de volcan serpente jusqu’à São Filippe, petite ville de 5000 habitants où le temps s’est arrêté.

Les villageois abordent le visiteur, le conduisent vers les sobradoes, vieilles maisons coloniales, aux balcons de bois, aux couleurs délavées, aux toits de tuile rougie. Le sobrado affichait la condition du maître propriétaire et commerçant. A chaque classe sociale correspondait un palier de cette capitale.

Au gré de vos flâneries, vous arriverez sur l’esplanade où Luigi ne manquera pas de vous accueillir dans le bistrot qu’il vient d’ouvrir. Jusque tard dans la nuit, à la lueur d’une bougie, sur fond de chant de cigales, il vous racontera la ville, ses traditions, ses habitants. Laissez-vous envahir par un étrange sentiment de bien-être et submerger par l’impression d’être loin de tout, hors du monde… On se surprend alors à penser que Fogo est la plus attachante de l’archipel. Là, au milieu de domaines déchus incitant à la rêverie, reviennent aussi les musiciens célèbres, une fois terminé le faste des tournées, vivant parfois dans une extrême simplicité.

Cap Vert, Sao Vicente, Fogo, Santiago

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