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Au large de Seattle, l’archipel de San Juan constitue une station d’observation des cétacés unique en Amérique. Les orques s’y livrent à la chasse aux saumons
Sitôt débarqués sur cet îlot idyllique, nous tendons le cou pour voir au-delà de la côte rocailleuse. Nous nous joignons aux excursionnistes qui pique-niquent paisiblement, mais les victuailles qu’on nous propose ne sont que secondaires, car à Lime-Kiln-Point, sur la côte ouest de San Juan &endash; l’île principale de l’archipel du même nom &endash; on peut observer le ballet des épaulards.
Non loin de la rive, une flottille de voiliers, de barques de pêche et de canots à moteur se déplace tranquillement dans les eaux scintillantes, se rapprochant de nous à contre-jour sous le soleil au zénith. Ce n’est que lorsqu’elle se trouve devant nous que nous apercevons les orques, qui surgissent et replongent sans cesse entre les embarcations. Ces majestueux géants marins noir et blanc, à la peau lisse, fendent les flots avec une légèreté incroyable et en surgissent avec précision entre leurs accompagnateurs humains pour respirer à grand bruit en surface.
Un mètre à peine les sépare parfois des minuscules kayaks à bord desquels certains téméraires ont pris place. Nous admirons les prouesses d’un jeune épaulard qui jaillit à plusieurs reprises hors de l’eau en effectuant un demi-saut périlleux arrière.
Le numéro présenté par le groupe qui passe fait penser au brillant final d’un cirque ou au happy end d’un film hollywoodien. Il est vrai qu’il existe des liens entre l’archipel de San Juan et La Mecque du cinéma, puisque des séquences du film Sauvez Willy ont été tournées au large de ces îles.
Outre le spectacle époustouflant et bruyant donné sur le coup de midi par les cétacés, les îles ont d’autres attraits encore à offrir. On peut pique-niquer agréablement le long des côtes durant la journée, jouir du soleil et se promener sur les rochers, sans omettre de jeter régulièrement un coup d’œil sur la mer, car en été, les orques croisent plusieurs fois par jour à proximité des rives, en quête de saumons à dévorer. Certains bateliers ne sortent d’ailleurs en haute mer qu’en fin d’après-midi, quand le grand tumulte s’est un peu apaisé.
L’ambiance au bord du Pacifique est particulièrement impressionnante de bonne heure le matin, lorsque la tranquillité est troublée par un surprenant phénomène: le déferlement de la houle semble soudain s’amplifier, bien que l’on ne perçoive pas de fort ressac.
Le souffle des cétacés
Il faut de longues minutes avant de découvrir la clé de l’énigme. Enfin, le souhait qu’il s’agisse d’une orque s’approchant de l’île devient réalité. Sa respiration s’entend de loin, on aperçoit ensuite le jet d’eau qui jaillit de son évent comme une boisson gazeuse de la bouteille qu’on aurait agitée avant de l’ouvrir.
Une douzaine d’épaulards passent devant nous, certains d’entre eux à moins de dix mètres du rivage, au point qu’il nous semble pouvoir les toucher. L’événement paraît irréel, bien qu’il s’écoule passablement de temps jusqu’à ce que le dernier retardataire s’éloigne. Nous ne prenons vraiment conscience de cette rencontre magique que plus tard, lorsque nous la commentons avec enthousiasme.
Mais hormis ces mascottes marines, qu’est-ce qui peut bien attirer les touristes venus de Seattle, la proche métropole, sur ces îles? Serait-ce la perspective de quelques jours de repos dans un environnement agreste, de randonnées ou d’excursions à bicyclette, voire d’un cours d’initiation au kayak? Très certainement le temps plus clément qu’ils y trouveront.
Dispersés sur 750 kilomètres carrés, les 457 îlots de l’archipel San Juan ne reçoivent que très peu de pluie. Ils bénéficient de 250 jours d’ensoleillement par année et jouissent d’un climat bien meilleur que Seattle, la ville de Jimi Hendrix, Microsoft et Boeing.
Apparu au cours des vingt der-nières années seulement, le tourisme constitue aujourd’hui la principale source de revenus des insulaires. Bien que le nombre de visiteurs ne cesse de croître d’une année à l’autre, les îles ont su conserver leur charme et leur mode de vie paisible. Outre San Juan, seules trois d’entre elles sont d’ailleurs accessibles aux touristes.
Partant de la jolie petite ville portuaire d’Anacortes, sur terre ferme, des ferries relient celles de Lopez, Shaw et Orcas, naviguant dans un dédale de brisants et de minuscules îlots. Lopez et Shaw sont toutefois peu visitées, faute d’infrastructures touristiques.
Le temps s’arrête
A Orcas, nous découvrons des paysages rudes, des côtes déchique-tées, des ports et des villages isolés dans d’innombrables petites baies. L’île ne doit pas son nom aux orques, mais à un officier espagnol qui cartographia l’archipel au XVIIe siècle. Culminant à 733 mètres d’altitude, le Mount Constitution offre une vue panoramique sur 360 degrés des îles idylliques qui l’entourent. Entre mer et ciel, lacs et cascades, au milieu d’une dense forêt, le temps semble s’arrêter.