Perdu au cœur du Pacifique Sud, l’archipel de Vanuatu, appelé autrefois «Nouvelles-Hébrides», compte quelque quatre-vingts îles et îlots. Tanna, la petite méridionale, et Efate, où se trouve la capitale Port-Vila, frappent par leurs contrastes
Lorsqu’il jeta l’ancre devant l’île de Tanna, en août 1774, le grand navigateur anglais James Cook fut médusé par le feu d’artifice rouge vif jaillissant du volcan Mount Yasur et par son grondement incessant. Il le baptisa «phare du Pacifique Sud». Mais il ne put en gravir le sommet, culminant à 361 mètres seulement, car la montagne était sacrée pour les indigènes.
Les temps ont changé, même sur cette île vouée au culte des traditions. L’étranger qui souhaite escalader la montagne sacrée ne rencontrera plus d’opposition. Il lui suffira de poser 1600 vatus sur la table. C’est le prix à payer pour avoir la permission d’admirer l’un des plus beaux spectacles naturels.
N’oublions pas que les dieux exigent des sacrifices. Comment la manne substantielle, récoltée annuellement, doit être répartie demeure toutefois un mystère. Depuis quelques années déjà, plusieurs tribus des villages voisins en sont venues aux prises à ce sujet.
Toutes revendiquent la montagne pour elles seules. D’une manière générale, les rivalités sont grandes au sein de la population. Mais depuis l’arrivée des Occidentaux et de leur civilisation, on se bat surtout verbalement ou, au pire, à coups de poing. Il y a quelques décennies encore, les tribus ennemies frappaient leurs prisonniers du même sort que les premiers missionnaires: elles les dévoraient.
Si les évangélisateurs européens subirent cette fin tragique ou furent, dans le meilleur des cas, chassés de l’île, leurs successeurs eurent un destin un peu plus chanceux à la fin du siècle passé. Pour autant, le christianisme ne s’est jamais vraiment établi à Tanna. Les cultes et les rituels magiques ancestraux sont encore pratiqués et largement répandus dans la plupart des villages.
Tanna est un monde isolé, unique, où pagne de fibres et namba font partie de la vie quotidienne. Ses habitants n’ont que peu de chance de le quitter un jour. L’aérodrome, avec sa piste de terre battue, est néanmoins le lieu le plus fréquenté de l’île.
A chaque arrivée ou départ d’avion, des douzaines de personnes se pressent aux abords de la petite baraque du contrôle douanier. Elles n’accompagnent ni n’attendent personne. Elles souhaitent simplement prendre place une fois dans le «Twin Otter» qui relie l’île Efate, où se trouve Port-Vila, la capitale de Vanuatu et le centre du monde pour les insulaires de Tanna.
Les contrastes entre ces deux îles sont énormes. Tandis que Lenakel, la capitale de Tanna, se limite à deux magasins tombant en ruine, à une minuscule agence bancaire et à quelques habitations, la métropole, avec son port naturel idyllique et son centre commercial animé, offre tous les avantages d’une ville moderne, en petit format. Port-Vila est bien plus qu’une bonne adresse que se communiquent les navigateurs.
Les boutiques hors taxes fleurissent dans la principale rue commerçante de la ville: un véritable paradis du shopping, où personne n’est grugé. Et les transports publics, assurés par de petits bus qui vont partout, méritent aussi d’être mentionnés. Le service fonctionne à la manière des taxis. Il suffit aux passagers d’indiquer leur destination et le chauffeur les emmène directement à l’endroit voulu. Et cela à un prix extrêmement modique.
Dès lors, la vie est dure à Port-Vila pour les chauffeurs de taxi, qui demandent bien plus pour rendre le même service. En dehors de la métropole, leur commerce est toutefois florissant, car les transports publics y sont inexistants.
Sur les autres archipels du Pacifique Sud, les gens craignent Vanuatu. Ils prétendent que «les mauvais esprits y rôdent et ensorcellent». Il serait plus juste de dire que le visiteur y est enchanté.