L’Okavango, le fleuve qui n’atteint jamais la mer

Au nord du Botswana, l’Okavango se déverse dans les sables brûlants du désert du Kalahari en formant le plus grand delta continental du monde.

 

Les astronautes racontent que, vu de l’espace, le delta de l’Okavango ressemble à une grosse main bleue et verte posée sur l’étendue jaunâtre du désert du Kalahari. Depuis la terre, le spectacle de cette gigantesque oasis verdoyante, grouillant de vie au milieu des sables brûlants, est tout aussi saisissant.

Au milieu de l’un des déserts les plus arides du monde, s’étend un vaste delta de 200 kilomètres de long et 300 de large, constellé d’une myriade de petites îles boisées entre lesquelles coulent des cours d’eau translucides.

Okavango vu du ciel

A l’origine de ce miracle: le fleuve Okavango, qui prend sa source au nord-ouest au cœur des montagnes du Cunene en Angola. Serpentant paisiblement pendant quelques centaines de kilomètres entre l’Angola et la Namibie, le fleuve bifurque soudain vers le sud dans le désert du Kalahari, où il est alors piégé par un vaste système de dépressions et de failles qui lui bloque le passage.

A des centaines de kilomètres de la mer ou du lac le plus proche, l’Okavango est contraint de déverser ses eaux en plein Kalahari! Ce phénomène naturel est relativement récent. D’après les géologues, l’interruption du cours du fleuve serait survenue entre deux et quatre millions d’années en arrière.

Fleuve Okavango

A l’entrée du delta, le fleuve bordé de roselières coule autour de petites îles recouvertes de dattiers, de ficus et de nombreux autres arbres. Dans l’eau, les poissons, mais aussi les crocodiles et les hippopotames, abondent. Quelques antilopes bien adaptées aux sols humides apparaissent parfois entre deux haies de papyrus. Les oiseaux sont omniprésents: canards, oies, ibis, martins-pêcheurs, etc.

Forêts du Botswana

Plus au sud, les îles deviennent plus grandes. Les forêts abritent de petits mammifères comme des mangoustes et autres rongeurs. En bordure du delta, les roselières laissent progressivement la place à de grandes étendues de savane, terrains de prédilection des animaux d’Afrique: lions, éléphants, buffles, hyènes, antilopes, girafes, etc.

Chaque année, les terres asséchées et la savane qui bordent le delta sont recouvertes et fertilisées par la grande crue du fleuve. Gonflées par les pluies qui tombent sur les montagnes angolaises en novembre et en décembre, les eaux grossies de l’Okavango atteignent la partie supérieure du delta entre février et avril.

La surface inondée passe de 6000 à 13 000 kilomètres carrés! Mais le processus se déroule tout en douceur. En raison de la faible différence d’altitude entre l’amont et l’aval du delta (62 mètres pour une distance de 250 kilomètres), les eaux de la crue peuvent mettre jusqu’à six mois pour atteindre son extrémité! Ce qui reste alors de l’eau – 95% des eaux de l’Okavango disparaissent par évapotranspiration! – suffit à faire reverdir la savane et à remplir les cours d’eau qui s’échappent en aval du delta.

Contrairement aux animaux sauvages, présents depuis des millénaires, les hommes n’occupent ces terres fertiles que depuis une centaine d’années. L’éloignement, l’inaccessibilité ainsi que les redoutables mouches tsé-tsé, ennemis mortels de l’homme et du bétail, ont permis au delta de demeurer pendant longtemps un sanctuaire inviolé, habité seulement par quelques tribus nomades de bushmen chasseurs et pêcheurs.

Le peuplement de cette région a commencé au siècle dernier avec l’arrivée de personnes fuyant les guerres ethniques dans les pays voisins et les premiers colons anglais. Des routes ont été construites et des campagnes d’éradication sont venues à bout de la mouche tsé-tsé.

Aujourd’hui, des dizaines de milliers d’habitants vivent en bordure du delta. Leurs ressources: la pêche, l’agriculture, l’élevage et le tourisme. Ces deux dernières activités n’entraînent d’ailleurs pas que des bienfaits dans la région. L’élevage industriel, tel qu’il se pratique dans d’immenses ranches en bordure des zones humides, constitue un grave danger pour la faune de la région.

Pour empêcher que les animaux sauvages ne transmettent des maladies mortelles au bétail (des bœufs exportés vers l’Europe!), des milliers de kilomètres de barrières vétérinaires ont été érigées sur le pourtour du delta. Ces clôtures constituent un obstacle infranchissable et mortel pour de nombreux animaux sauvages (surtout les antilopes) lors de leur migration saisonnière à la recherche d’eau et d’herbe verte.

Tourisme au Botswana

Quant au tourisme, il apporte son lot de fléaux propres aux pays en voie de développement soudain confrontés à un afflux de visiteurs blancs et riches. Dans la ville de Maun, centre touristique et chef-lieu poussiéreux du delta, des immeubles laids et gris destinés à devenir des hôtels et des centres commerciaux poussent comme des champignons.

Miroités par l’appât du gain, des milliers de gens des campagnes environnantes s’entassent dans des bidonvilles en périphérie de la ville dans l’attente de trouver un travail lié au tourisme.

Heureusement, cette frénésie urbaine ne touche pour l’instant que Maun. A 30 kilomètres de là, au cœur du delta, la nature est encore vierge. La pirogue en bois qui glisse sans bruit sur l’eau translucide, le troupeau d’éléphants qui achève de traverser la rivière, redonne au visiteur une vision plus sereine de l’Afrique.

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